LUCAS RATTON
" Les Cimiers "Tyiwara", d'un mythe fondateur à un exercice de style?"
PAR ELSA MIMRAM - Mars 2013
À l’occasion de sa prochaine participation à Tefaf en mars 2013, la Galerie Lucas Ratton présentera un cimier « Tyiwara ». L’opportunité pour nous de revenir sur l’usage et la stylistique de ces objets majeurs des collections d’art Premier africain.
Antilopes et cosmogonie

On trouve les cimiers « Tyiwara », représentations d’animaux hybrides mâles et femelles, chez différentes ethnies maliennes géographiquement très proches. Le territoire en terre subsaharienne implique nécessairement des échanges culturels entre des ethnies qui, loin de pouvoir être essentialisées, partageaient des fondations culturelles communes. C’est ici le cas des Bamana ou Bambara, des Khassonké, des Bozo, des Somono, des Minyanka, de certains Sénoufo du Sud, ou encore de membres de la communauté Malinké. L’apparition du cimier « Tyiwara », selon J_P Colleyn, se retrouve en effet chez plusieurs ethnies, pouvant ainsi être qualifié de « phénomène trans-ethnique ».
Étant donné la place prépondérante de l’agriculture dans la vie quotidienne, les rites et représentations liés à la fertilité de la terre et des récoltes sont extrêmement nombreux en Afrique. La Terre, nourricière, est liée à la cosmogonie des ethnies qui lui portent respect et y sacrifient symboliquement et physiquement, dans le but de se voir accorder bénédiction et nourriture. Au Mali, environ 80 % de la population travaille dans l’agriculture, et presque deux tiers du territoire sont désertiques ou semi-désertiques. C’est donc dans un contexte géographique peu engageant que la majorité de la population du pays, rurale, développe l’activité économique principale, l’agriculture.
Les masques « tji wara kun » de leurs vrais noms, « têtes des fauves (des champions) du travail agricole » sont des emblèmes de la société d’initiation Bambara nommée « ton ». « Tyi » signifie en effet « travail », et « wara », « fauve ».
Ces cimiers symbolisent un animal le plus souvent hybride, protecteur des récoltes. Les cimiers sont portés en couple lors de cérémonies organisées pour fertiliser la terre ou pendant les récoltes pour encourager les cultivateurs. Les danseurs se rendaient traditionnellement aux champs parés des attributs « Tyiwara », cimiers, habits de danse et cannes rituelles. Le masque mâle s’appuyait alors sur une courte canne, objet sacré symbolisant la houe primordiale comme le montre cette image in situ, probablement le cliché le plus connu de l’utilisation des cimiers « Tyiwara ».
Étant donné la place prépondérante de l’agriculture dans la vie quotidienne, les rites et représentations liés à la fertilité de la terre et des récoltes sont extrêmement nombreux en Afrique. La Terre, nourricière, est liée à la cosmogonie des ethnies qui lui portent respect et y sacrifient symboliquement et physiquement, dans le but de se voir accorder bénédiction et nourriture. Au Mali, environ 80 % de la population travaille dans l’agriculture, et presque deux tiers du territoire sont désertiques ou semi-désertiques. C’est donc dans un contexte géographique peu engageant que la majorité de la population du pays, rurale, développe l’activité économique principale, l’agriculture.
Les masques « tji wara kun » de leurs vrais noms, « têtes des fauves (des champions) du travail agricole » sont des emblèmes de la société d’initiation Bambara nommée « ton ». « Tyi » signifie en effet « travail », et « wara », « fauve ».
Ces cimiers symbolisent un animal le plus souvent hybride, protecteur des récoltes. Les cimiers sont portés en couple lors de cérémonies organisées pour fertiliser la terre ou pendant les récoltes pour encourager les cultivateurs. Les danseurs se rendaient traditionnellement aux champs parés des attributs « Tyiwara », cimiers, habits de danse et cannes rituelles. Le masque mâle s’appuyait alors sur une courte canne, objet sacré symbolisant la houe primordiale comme le montre cette image in situ, probablement le cliché le plus connu de l’utilisation des cimiers « Tyiwara ».
Les aspects rituels liés à l’antilope « Tyiwara » se combinent aux autres institutions villageoises. Ils dépendent du lieu de culte. Dans certains villages, l’accent est mis sur les rituels et sacrifices liés aux « boliw », dans d’autres, c’est la musique et les danses qui prédominent.
Typologie
La société malienne actuelle (selon J-P Colleyn, Bamana, Milan, 5 Continents, 2009, p. 16) est divisée selon une organisation tripartite : « les horonw », ou sujets libres (le plus souvent agriculteurs ou guerriers), les « jonw » et « wolosow », esclaves et descendants d’esclaves, et les « nyamakalaw », artisans spécialisés considérés comme des gens « à part ». Ils pratiquent des travaux considérés comme dangereux car liés au monde surnaturel et secret. Ce sont les seuls habilités à sculpter les antilopes « Tyiwara » rituelles.
Les « objets forts » doivent chez les Bambara, présenter certains critères esthétiques. Ces critères sont différents en occident, mais ils montrent également le lien du collectionneur entre « force » de l’objet et esthétique. Les productions que nous qualifions d’artistiques, leurs formes et leur décorum sont produits dans un souci d’efficacité symbolique. Les objets sont les marqueurs tangibles d’organisations socio-religieuses complexes et variables selon leurs lieux de production et le lien avec celles des ethnies voisines.
Pour simplifier grossièrement l’une de nos interrogations, on peut se demander par exemple s’il existe une simplification de la forme en fonction d’une simplification du mythe. C’est ce que notre regard perçoit comme une dualité entre figuration et abstraction.
On sait cependant que le style de l’objet lui-même pouvait devenir un enjeu de prestige entre différents groupes ethniques. Juste avant la seconde guerre mondiale, dans les régions de Koulikouro, Ségou et Sikasso (dont notre antilope est issue), il y eut notamment une grande compétition entre sculpteurs pour créer de petits cimiers que nous pouvons qualifier de minimalistes.
Les « objets forts » doivent chez les Bambara, présenter certains critères esthétiques. Ces critères sont différents en occident, mais ils montrent également le lien du collectionneur entre « force » de l’objet et esthétique. Les productions que nous qualifions d’artistiques, leurs formes et leur décorum sont produits dans un souci d’efficacité symbolique. Les objets sont les marqueurs tangibles d’organisations socio-religieuses complexes et variables selon leurs lieux de production et le lien avec celles des ethnies voisines.
Pour simplifier grossièrement l’une de nos interrogations, on peut se demander par exemple s’il existe une simplification de la forme en fonction d’une simplification du mythe. C’est ce que notre regard perçoit comme une dualité entre figuration et abstraction.
On sait cependant que le style de l’objet lui-même pouvait devenir un enjeu de prestige entre différents groupes ethniques. Juste avant la seconde guerre mondiale, dans les régions de Koulikouro, Ségou et Sikasso (dont notre antilope est issue), il y eut notamment une grande compétition entre sculpteurs pour créer de petits cimiers que nous pouvons qualifier de minimalistes.
Dans l’exemple de la « Tyiwara » présentée par la Galerie Lucas Ratton lors de Tefaf, très géométrisée, on peine notamment à reconnaître d’autres animaux que la fameuse antilope. Pourtant, les cimiers présentent également le fourmilier, le pangolin, la pintade ou encore le caméléon. Les formes peuvent également être nettement plus minimalistes comme l’illustrent les exemples de cimiers présentés dans la collection Vérité.
Les régions où ont été produits les cimiers « Tyiwara » sont des régions de syncrétismes, tant culturels que stylistiques. Il est ainsi difficile de dresser une typologie « fiable » de ce type d’objet sans tomber dans une forme de vision essentialiste des cultures qui les ont produit. Il existe toutefois des ouvrages essentiels à la compréhension de ces cimiers qui font appel à ce type de catégorisation rigoriste, comme l’ouvrage de Zahan, Les Antilopes du Soleil. (Zahan, D. Antilopes du Soleil, Autriche, A. Schendl Ed., 1980) Zahan y propose 4 grandes catégories et 137 styles. On retrouve notamment un style se rapprochant de l’antilope à quatre cornes que nous présentons lors de Tefaf (voir image ci-dessus).
Colleyn quand à lui décrit deux grandes catégories : les horizontaux et les verticaux. Il évoque trois styles répartis de façon géographique : les styles de Bamako, de Bougouni et de Ségou.
Thème animalier de l’antilope
Dans les mythes, les animaux sont régulièrement évoqués pour symboliser des vices et vertus, le mythe servant ainsi de parabole afin de réguler les comportements sociaux. Le rite permet de l’illustrer.
Chez les Bambara, par exemple, le lion incarne le chef de guerre, qui règne par la terreur, et non par la persuasion et la justice. La hyène liée au mythe « Tyiwara », fait preuve d’audace devant le lion, et signifie l’homme de savoir et ce qui le caractérise : le courage et la lucidité. En cela, elle est un animal emblématique des rites d’initiation Bambara. L’antilope quant à elle, symbolise la jeunesse et ses qualités : la beauté, la force virile, la spontanéité, la diligence, la générosité. (Comme l’indique Falgayrette-Leveau, C., Arts d’Afrique, Paris, Musée Dapper, 2000)
Les goûts en matière d’Art africain sont liés au pays d’origine de leurs collectionneurs. Les coloniaux, en ramenant des objets rituels ont ramené un ensemble de formes, de nouvelles possibilités plastiques qui ont progressivement fasciné les occidentaux, habitués à ces nouveaux types d’expression plastique.
Il existe un corpus d’œuvres qui font figures de symboles majeurs, d’exemples implacables de la qualité d’une collection d’art africain ; des éléments presque nécessaires à posséder, et si possible de la plus haute qualité. Parmi eux, on retrouve, pour ne citer qu’eux, les reliquaires Kotas du Gabon, les sculptures d’ancêtres Hemba, ou encore, les cimiers « Tyiwara ».
Tefaf sera l’occasion de permettre à ce beau cimier « Tyiwara » aux formes modernes de trouver sa place dans une collection.
Chez les Bambara, par exemple, le lion incarne le chef de guerre, qui règne par la terreur, et non par la persuasion et la justice. La hyène liée au mythe « Tyiwara », fait preuve d’audace devant le lion, et signifie l’homme de savoir et ce qui le caractérise : le courage et la lucidité. En cela, elle est un animal emblématique des rites d’initiation Bambara. L’antilope quant à elle, symbolise la jeunesse et ses qualités : la beauté, la force virile, la spontanéité, la diligence, la générosité. (Comme l’indique Falgayrette-Leveau, C., Arts d’Afrique, Paris, Musée Dapper, 2000)
Les goûts en matière d’Art africain sont liés au pays d’origine de leurs collectionneurs. Les coloniaux, en ramenant des objets rituels ont ramené un ensemble de formes, de nouvelles possibilités plastiques qui ont progressivement fasciné les occidentaux, habitués à ces nouveaux types d’expression plastique.
Il existe un corpus d’œuvres qui font figures de symboles majeurs, d’exemples implacables de la qualité d’une collection d’art africain ; des éléments presque nécessaires à posséder, et si possible de la plus haute qualité. Parmi eux, on retrouve, pour ne citer qu’eux, les reliquaires Kotas du Gabon, les sculptures d’ancêtres Hemba, ou encore, les cimiers « Tyiwara ».
Tefaf sera l’occasion de permettre à ce beau cimier « Tyiwara » aux formes modernes de trouver sa place dans une collection.
Elsa Mimram
Bibliographie
Colleyn, J-P, Bamana, Milan, 5 Continents, 2009
Collection Vérité, Catalogue de vente, 2006
Falgayrette-Leveau, C., Arts d’Afrique, Paris, Musée Dapper, 2000
Galerie Ratton-Hourdé, Tyiwara, Paris, Galerie Ratton-Hourdé, 2001
Zahan, D. Antilopes du Soleil, Autriche, A. Schendl Ed., 1980
Colleyn, J-P, Bamana, Milan, 5 Continents, 2009
Collection Vérité, Catalogue de vente, 2006
Falgayrette-Leveau, C., Arts d’Afrique, Paris, Musée Dapper, 2000
Galerie Ratton-Hourdé, Tyiwara, Paris, Galerie Ratton-Hourdé, 2001
Zahan, D. Antilopes du Soleil, Autriche, A. Schendl Ed., 1980