LUCAS RATTON
Statuette Dogon- Mali
DESCRIPTION
Cette élégante statuette dogon peut être rapprochée du style Bombou-Toro, du nom de la région de Bombou, au centre-sud de la falaise de Bandiagara au Mali (voir carte ci-dessous). Les Dogon-Mandé y sont arrivés au XVe siècle et y ont progressivement développé leur propre style, à partir de la statuaire des peuples qu’ils ont trouvé en arrivant, les Tellem, les Niongom et les Djennenké. Ce style, qui peut nous surprendre aujourd’hui par ses formes incroyablement modernes, s’est affirmé au début du XVIIe siècle.
Hélène Leloup décrit ainsi les statues Bombou-Toro : « Beaucoup moins réalistes que les statues djennenké, presque schématiques, elles paraissent refléter la vision quotidienne des à-pics de la falaise, le côté abrupt de l’environnement qui transmet au sculpteur ses caractéristiques rigoureuses » (Leloup, Statuaire Dogon,1994, p. 166). En effet on peut trouver sur cette belle statuette une forte verticalité et une grande rigueur des volumes, ainsi qu’une raideur, une frontalité, hérités, toujours d’après Leloup, des sculptures tellem et niongom. Les membres tubulaires, minces et allongés sont également caractéristiques de cette région de la falaise. Les jambes sont particulièrement longues, élément rare qu’évoque Hélène Leloup à propos d’une autre statuette (voir fig. 1 en annexe), datant du XVIIIe siècle : « elle provient d’un atelier de style archaïque par ses longues jambes, type rare dont il existe un autre exemplaire au musée de Detroit » (fig. 2) (LeloupinBuchmann, Culture Myth Africa, Lugano : Buchmann Galerie, 2009, p. 28). |
References:
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D’autres caractéristiques de ce style sont les lignes nettes et très cubiques des volumes. Ici, les bras divisent le membre en trois parties à angle droit, dans un mouvement très moderne qui n’est pas sans rappeler certaines des expérimentations anatomiques des peintres de l’avant garde. La dynamique de la figure lui vient de cette alternance entre parties verticales (jambes, haut des bras, buste, cou) et horizontales (cuisses, avant-bras, seins), aboutissant à un ensemble offrant une architecture complexe mais équilibrée. D’après Barbara DeMott, citée par Hélène Leloup, les éléments verticaux peuvent être interprétés comme masculins et les horizontaux comme féminins, dans une logique de complémentarité des sexes qui tient une grande importance dans la philosophie dogon (Leloup, Statuaire Dogon,1994, p. 169). Au-dessus de l’ombilic saillant qui vient rompre la rigidité du buste, les seins en obus se projettent à partir des épaules, ce qui serait un héritage de la statuaire niongom (Leloup, idem, description fig. 75).
Le visage présente cette forme tout à fait typique de la statuaire du Mali, en « cloche » au sommet d’un long cou. Si le nez en flèche est répandu dans le corpus d’œuvres attribuées à cette région, la petite bouche sans lèvres et les yeux non saillants mais percés d’un trou sont plus rares. Sous le menton, un élément vertical représente probablement un labret, ornementation en bois ou en métal traversant la lèvre inférieure. Sa forme fait écho aux trois tresses qui encadrent la tête en descendant depuis le sommet du crâne, une quatrième venant se poser sur le front. La tête est couronnée par un plateau en cône inversé, autel destiné à recevoir des libations.
Cette statuette se différencie des autres œuvres attribuées à ce style par sa sobriété, ne présentant ni scarifications ni bijoux. La majorité des statuettes de ce corpus sont assises seules ou en couple sur des tabourets cheffaux soutenus par de petits personnages en caryatide. Les statuettes qui portent un plateau à libation sur le crâne comme celle-ci sont quant à elles généralement accompagnées d’un personnage plus petit, un enfant probablement, accroché dans le dos, ce qui n’est pas le cas ici.
Cette magnifique statuette féminine est probablement un dege dal nda, une « sculpture de terrasse ». Ces objets étaient la propriété des sociétés des femmes, et symbolisaient l’ancêtre féminin, auquel on faisait appel lors des rites de pluie, de fertilité et pour s’assurer le bon déroulement des grossesses. Les statuettes étaient sorties lors des naissances, mais aussi pendant l’initiation des jeunes filles, lorsqu’on leur apprenait à filer le coton. Pendant les enterrements, elles étaient exposées sur la terrasse de la maison du mort, d’où leur nom de « sculptures de terrasse ». La fonction de cet objet est en partie révélée par ses attributs : le labret, porté par les femmes dès leur plus jeune âge, symbolise le tissage et « protège de la « mauvaise parole », coutume que l’on retrouve tout au long de la falaise sud » (Leloup, Statuaire Dogon,1994, description fig. 85). Les tresses quant à elles, indiquent que la femme représentée est devenue mère, et qu’elle tient une place importante dans la communauté, la longueur des tresses indiquant son haut statut.
La patine brun-noire qui confère cette belle brillance à l’objet provient des applications d’huile de saet de beurre de karité auxquelles procédaient régulièrement les femmes lors des cultes afin d’entretenir ce symbole ancestral de la féminité.
Le visage présente cette forme tout à fait typique de la statuaire du Mali, en « cloche » au sommet d’un long cou. Si le nez en flèche est répandu dans le corpus d’œuvres attribuées à cette région, la petite bouche sans lèvres et les yeux non saillants mais percés d’un trou sont plus rares. Sous le menton, un élément vertical représente probablement un labret, ornementation en bois ou en métal traversant la lèvre inférieure. Sa forme fait écho aux trois tresses qui encadrent la tête en descendant depuis le sommet du crâne, une quatrième venant se poser sur le front. La tête est couronnée par un plateau en cône inversé, autel destiné à recevoir des libations.
Cette statuette se différencie des autres œuvres attribuées à ce style par sa sobriété, ne présentant ni scarifications ni bijoux. La majorité des statuettes de ce corpus sont assises seules ou en couple sur des tabourets cheffaux soutenus par de petits personnages en caryatide. Les statuettes qui portent un plateau à libation sur le crâne comme celle-ci sont quant à elles généralement accompagnées d’un personnage plus petit, un enfant probablement, accroché dans le dos, ce qui n’est pas le cas ici.
Cette magnifique statuette féminine est probablement un dege dal nda, une « sculpture de terrasse ». Ces objets étaient la propriété des sociétés des femmes, et symbolisaient l’ancêtre féminin, auquel on faisait appel lors des rites de pluie, de fertilité et pour s’assurer le bon déroulement des grossesses. Les statuettes étaient sorties lors des naissances, mais aussi pendant l’initiation des jeunes filles, lorsqu’on leur apprenait à filer le coton. Pendant les enterrements, elles étaient exposées sur la terrasse de la maison du mort, d’où leur nom de « sculptures de terrasse ». La fonction de cet objet est en partie révélée par ses attributs : le labret, porté par les femmes dès leur plus jeune âge, symbolise le tissage et « protège de la « mauvaise parole », coutume que l’on retrouve tout au long de la falaise sud » (Leloup, Statuaire Dogon,1994, description fig. 85). Les tresses quant à elles, indiquent que la femme représentée est devenue mère, et qu’elle tient une place importante dans la communauté, la longueur des tresses indiquant son haut statut.
La patine brun-noire qui confère cette belle brillance à l’objet provient des applications d’huile de saet de beurre de karité auxquelles procédaient régulièrement les femmes lors des cultes afin d’entretenir ce symbole ancestral de la féminité.